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Souveraineté économique : « L’Europe souffre encore de la comparaison avec les acteurs de tout premier plan que sont les Etats-Unis ou la Chine »

Le 24 janvier, la Commission européenne a présenté un paquet de mesures pour renforcer les capacités géopolitiques de l’Union européenne (UE). Les mesures proposées visent une plus étroite coordination à l’échelon de l’UE des contrôles à l’export des produits sensibles, du filtrage des investissements transfrontaliers dans des secteurs stratégiques et de la protection des chercheurs vis-à-vis des ingérences étrangères.
Derrière ces outils techniques, c’est l’ambition géopolitique de l’UE qui s’affirme doucement. Les cinq dernières années ont, souvent pour le pire, entériné la pertinence d’une Commission placée sous le signe de la géopolitique par sa présidente, Ursula von der Leyen, dès sa nomination. La guerre de haute intensité a fait son retour en Europe. Des approvisionnements vitaux ont été menacés par le comportement égoïste ou agressif de partenaires. La vulnérabilité de nos routes commerciales est brusquement apparue, aussi bien pour des raisons géopolitiques que plus bénignement logistiques.
Dans le sillage de relations sino-américaines rivées sur la compétition pour la place de première puissance mondiale, l’ensemble de l’environnement international est devenu moins policé et plus incertain.
Forte de son orientation initiale, la Commission a mené au pas de charge un renforcement des capacités géopolitiques de l’UE. Ses prérogatives limitées sur les questions de sécurité nationale et de défense, mais larges sur les affaires économiques, l’ont orientée vers les instruments géoéconomiques, c’est-à-dire la mobilisation d’outils économiques à des fins directement géopolitiques.
Relativement familière aux discussions géostratégiques à Washington ou à Pékin, cette approche relève d’une petite révolution à Bruxelles. La vision du doux commerce, où ouverture au monde est source de richesse pour tous, et partant de paix et de démocratie, y a longtemps tenu lieu de géostratégie, sous l’œil bienveillant d’Etats membres heureux de tenir l’UE à l’écart de leurs politiques étrangères.
L’UE s’est ainsi dotée en cinq ans d’une belle boîte à outils géo-économique. Elle a identifié ses vulnérabilités stratégiques extérieures. Un outil anticoercition a été établi pour protéger ses membres d’ingérences étrangères indues. Le cadre européen sur les politiques industrielles, notoirement contraignant afin de protéger la concurrence, a été assoupli à l’endroit des secteurs stratégiques, donnant lieu à des initiatives sur les microprocesseurs, le cloud ou les batteries, entre autres. Une liste de minéraux critiques a été dressée, assortie d’objectifs de réduction des dépendances extérieures, et complétée par des partenariats avec des tiers pour en sécuriser les approvisionnements.
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